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Lettre 2

  Le 3 mars 2015

                                                                                                              Mme Finmelse,

 

                Je suis extrêmement heureux que vous ayez daigné répondre à ma lettre, je tiens à préciser dans un premier temps que cela me touche beaucoup. A vrai dire, je n'avais plus d'espoirs de réponse depuis quelques jours. La chose est comique, vous en conviendrez : cela faisait des semaines que je n'avais plus quitté mon appartement, et il a fallut que vous appeliez tandis que j'assistais à la première d'une de mes œuvres, "Explorateurs". J'ai donc bel et bien reçu le message que vous aviez laissé sur mon répondeur, écouté dès mon retour à l'appartement.

                Le fait que la chose vous tracassant ne soit qu'une broutille me rassure, et savoir que vous allez bien apaise les tourments qui me hantaient alors. Ma première lettre a du vous sembler idiote, voire complètement stupide, et j'espère qu'elle aura au moins eu le mérite de vous faire rire.

                Vous m'avez dit être désolée de la peine que vous m'avez causé : je vous en prie, ne le soyez pas. En effet, vous n'avez absolument rien fait, un juge impartial ne pourrait punir que l'impolitesse dont j'ai fait preuve, non pas la détresse que vous exprimiez. Subir un mal n'est une culpabilité que pour ceux qui assistent ce mal, et si ma première lettre fut comprise comme une plainte, je me dois de rectifier immédiatement ce tort : je ne vous reproche aucune peine, vous ne m'en avez commis aucune; je me les suis infligé moi-même.

                Vous devez certainement vous demander pourquoi je vous répond par lettre, et non pas en rappelant votre numéro, comme vous me l'avez si bien suggéré : cela tient tout simplement au fait que vous m'ayez appelé en numéro masqué; je ne peux donc pas vous rappeler, à mon plus grand regret. Et, à vrai dire, j'affectionne tout particulièrement écrire, je m'y sens plus à l'aise. Je suis comme qui dirait un peu timide, le contact aux autres trouble aisément mes pensées, ma plume est plus sûre que ma bouche.  

                Vous évoquiez la possibilité de nous rencontrer prochainement : c'est avec joie que j'envisage ce projet, et je dois me contenir de ne pas venir vous voir à votre domicile. Si ce n'est que l'adresse, je ne connais rien à propos de celui-ci; c'est pourquoi l'idée que notre première rencontre s'y déroule me semble quelque peu oppressante, je ne suis pas sûr d'être à l'aise en votre demeure. Et, tout bien réfléchi, j'y serais surement malvenu. C'est pourquoi je vous propose un lieu neutre, un lieu public, histoire de simplement faire connaissance.

                Je dois vous paraître étrange. Je suis tellement terrifié des autres que je ne peux leur faire confiance, même quand il s'agit de moi qui effectue le premier pas. Le mot m'échappe, je ne me souviens plus du terme exacte pour la phobie du contact social... A vrai dire, cela a peu d'importance, et cette lettre n'a absolument pas pour but de vous partager mes problèmes personnels. Il faudrait que je sois vraiment idiot ou maladroit pour venir vous partager mes peines en prétendant vouloir soigner les vôtres !

                Donc, j'arrête un peu de parler de moi; j'évoquais un lieu neutre : pourquoi pas un parc ? Je ne sais si vous vous y êtes déjà rendu, mais il y a un petit coin de verdure entre deux quartiers d'affaires, sur le boulevard Albert Cohen. Au centre de celui-ci se trouve un petit lac, qui, soit dit en passant, n'a de la grandeur d'un lac que le nom, au vu de sa taille ridicule. Un chemin agrémenté de nombreux bancs en fait le tour; nous pourrions nous donner rendez-vous là ? Le lieu est très fréquenté, et je connais bien le gardien du parc, c'est un ami de longue date que j'ai perdu de vue il y a quelques années, euphémisme bien risible quand on sait qu'en réalité j'ai complètement oublié son existence. Je suis incorrigible, moi et ma mémoire.

                Je ne sais combien de temps vous mettez à recevoir mes lettres, je ne sais donc quand fixer le rendez-vous. Il serait bien plus aisé de régler cela par téléphone; je vous propose donc ceci : quand vous recevrez ma lettre, vous me rappelez, et nous fixons ensembles la date de l'entrevue. J'espère que cette solution vous convient, elle me semble être la plus sûre et la plus raisonnable.

                Ce n'est plus l'idée de vos tracas qui va me hanter maintenant, mais celle de notre rencontre; je ne sais si la hantise nommée envie me sera plus douce, mais je m'en console en m'imaginant votre visage heureux.

                Puissiez vous l'être continuellement jusqu'à notre rencontre,

 

                                                                                                                                                                                            M.S.

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