Le 21 mars 2015,
Mme Rose Finmelse,
Je vous écrit de nouveau une lettre : décidément, il semble que je n'aurai jamais votre numéro; cela m'était complètement sorti de la tête quand nous nous sommes rencontrés ! Il faut absolument que nous y pensions la prochaine fois, j'espère que vous m'aiderez, ma mémoire est tellement fuyante !
Je tenais tout d'abord à m'excuser pour l'attitude de celui que j'appelais mon ami : je n'ai pas compris ce qui lui a prit, il n'avait guère cette agressivité et cette méchanceté lorsque je le fréquentais. Je vous prie de m'excuser pour cela, j'en suis sincèrement désolé. Si nous venions à nous rencontrer de nouveau, il ne faudra certainement plus le faire dans ce parc. Peut-être auriez-vous quelque idée de lieu agréable? Nous aurons le temps d'y réfléchir ensemble, si vous m'appelez.
Outre ce fâcheux incident, je veux vous faire savoir que cette rencontre fut délicieuse. Je ne sais quelle impression vous en avez gardé, mais au souvenir des nombreux éclats de rire que nous avons partagé, de l'amitié que vous m'avez montré et du plaisir que j'ai pu lire dans vos yeux, je ne doute pas que vous ayez passé un aussi bon moment que moi. Il m'a cependant semblé déceler une certaine tristesse, quand votre regard se perdait sur le lac. Je n'ai pas osé vous poser de question à ce sujet, mais sachez que si quelque chose vous chagrine, si je vous ai gêné de la moindre manière, je vous prie, ou plutôt je vous conjure de me le dire, que je puisse y remédier du mieux que je le peux. Je me permet d'insister à ce sujet : vous faire plaisir, si cela m'est possible, me procurerait un plaisir semblable.
De plus, je peux dire, sans avoir nullement l'intention d'être flatteur plus qu'honnête, que votre conversation est d'un intérêt bien plus prononcé que celles dont j'ai l'habitude d'entendre aux soirées auxquelles je me rend. Je ne sais ce qui fait la différence... Quand vous vous adressez à moi, quand vous me parlez de vous, j'ai comme l'impression de partager votre vie, en quelque sorte d'écouter un récit palpitant, comme ceux que l'on peut trouver dans de bons romans. A bien y réfléchir, il n'y a rien d'exceptionnel dans ce que vous m'avez partagé, mais l'honnêteté et la liberté de parole dont vous faite preuve me font vivre votre vie; la mienne est tellement inintéressante, j'ai l'impression d'être ébloui par bien peu, et c'est très certainement le cas. Mais qu'importe si cela est vrai, ça ne change pas ce que je ressens.
Je porte, dans tous les cas, l'espoir très prononcé de vous revoir et de réitérer cette discussion; cela m'a fait le plus grand bien. Je ne puis qu'espérer que vous ayez le même ressenti, et si cela n'est pas le cas, il serait judicieux de votre part de me le faire savoir : ne pas vous gêner passe pour moi avant toute chose.
Cette rencontre m'a fortement inspiré, je me sens capable d'écrire des pages et des pages de concerto, d'opéra ou de symphonie à la hauteur de la vigueur qui me prend ces derniers jours; je puis vous assurer que celle-ci ne pourrait que se traduire par des chefs-d'œuvre, et le bénéfice n'en reviendrait qu'à vous ! Mais je vous imagine déjà, modeste comme j'ai l'impression que vous êtes, me disant n'avoir rien fait ! Vous existez, madame, et ce simple fait m'inspire plus que vous ne pouvez même imaginer.
Comment dormir après cela? Oui, j'ai écris cette lettre au soir qui suivit notre rencontre; je n'ai pu résister plus longtemps à m'adresser de nouveau à vous. Je me répète surement, mais j'insiste sur ce fait : n'hésitez pas à me le faire savoir si je vous ennuie ! Je constate moi-même mon empressement, mon engagement auprès de vous, et j'ai conscience qu'il peut sembler oppressant. Un mot de vous, et vous n'en aurez plus un de moi.
Appelez-moi vite ! Je garderai le téléphone sur mon bureau pendant que je travaillerai; sa vue sera pour moi une motivation semblable à celle que vous me procurez, accompagnée par l'espoir de sa sonnerie.
J'attend avec hâte d'entendre à nouveau le son de votre voix,
M.S.