Le 23 février 2015,
A l'attention de Mme Finmelse
Je vous prie, madame, d'excuser le caractère inopportun de cette présente lettre et j'espère que vous me ferez la grâce de lui accorder votre attention, le temps de vous exposer ainsi les raisons qui me poussent à vous écrire.
Vous ne me connaissez surement pas, et il est probable que vous ne m'ayez jamais vu; en effet, nous ne nous sommes croisés qu'une seule fois, et ce de manière accidentelle, lors d'une soirée donnée il y a quelques jours chez notre amie commune, Mme Ghegle. Je sortais de ma voiture quand je vous ai aperçu sortir du bâtiment, vous aviez l'air pressée et ennuyée. Inquiet à votre sujet, on m'a appris, une fois entré, que vous veniez de recevoir un appel vous ayant, semble-t-il, troublé, et forcé à partir.
Cette rencontre m'a bouleversé. Je n'ai pas pour habitude de m'intéresser comme cela, de manière totalement impolie, à la situation de quelqu'un que je ne connais pas; pourtant, votre détresse m'a touché. La reluctance des autres invités à me parler de vous m'a fortement inquiété, je ne sais qui vous êtes mais je sens que vous avez besoin d'aide. J'ai du m'acharner comme une bête auprès de Mme Ghegle pour obtenir votre nom, dont elle souhaitait visiblement me préserver. Vous pourrez certainement m'éclairer quant aux raisons de ce secret autours de vous, si nous nous rencontrons un jour, ce que j'espère fortement.
Je suis envahi par la honte à la relecture de mon message, rien ne laisse à penser que je puisse vous aider de quelque manière que ce soit, et vous devez certainement trouver mon attitude déplacée, voire risible. Mais, et j'espère que vous le croirez, ma proposition est honnête. Vous devez vous imaginer que je suis un scélérat, souhaitant profiter de la faiblesse d'une pauvre âme perdue pour lui arracher le peu de biens qu'elle possède; rien n'est plus éloigné de la vérité. Notre rencontre a provoqué une réflexion en moi, m'amenant à comprendre que ma vie est dénuée de sens. Je n'ai pas de famille, tellement peu d'amis que ceux-ci se fondent dans la masse aux soirées de Mme Ghegle, et je porte le terrible sentiment de ne servir à rien. Alors, je ne sais si cela fut un coup de folie ou un éclair de raison, mais je me suis mis en tête de vous aider.
Je me sens bête désormais. Qui me dit que vous avez besoin d'aide? Qui me dit que je ne vous apporterai pas, au contraire, une gêne, la même gêne qui est installée dans ma vie depuis de longues années et qui ne demande qu'à venir gâcher la vie d'une pauvre innocente? Madame, j'aime croire être votre salvateur, cette idée me fait vivre désormais. Je ne sais pourtant rien de vous, juste un nom et le souvenir d'une tête attristée. Vous devez surement vous demander comment j'ai pu me procurer votre adresse, et je ne saurais vous répondre, étant donné que je n'y suis arrivé qu'après de longues heure de recherches sur internet, ayant trouvé enfin ce que je cherchais sur un site dont j'ai tout oublié. Vous semblez être insaisissable, madame, mais ma persévérance m'a fait trouver un lieu, et j'espère que vous y habitez encore.
J'ai votre nom, votre adresse, mais vous n'avez rien de moi, et j'ai le sentiment que cela ne peut provoquer que la peur en vous, et non pas l'espoir que je souhaite vous inspirer. Voila en quelques mots qui je suis, en preuve de ma bonne foi et de mon honnêteté. Je me nomme M.S., j'ai 37 ans et je suis musicien. Je vis en grande partie de mes compositions, que mes pairs qualifient en général de "chefs d'œuvres auditifs", avant que je les vende à des orchestres du monde entier. Voyez, je n'ai que faire de votre argent, j'en ai déjà bien suffisamment, et mon aide n'est pas intéressée. Je réside à l'adresse que vous trouverez au dos de l'enveloppe, dans un petit appartement au troisième étage d'une résidence qui se veut tranquille. Que vous dire de plus, sinon que ma vie est horriblement calme et dénuée d'intérêt. Je suis seul, et ce depuis toujours; non pas que je ne m'intéresse pas aux femmes, ce n'est juste jamais réciproque. Mes parents sont morts, depuis déjà quelques années, et ils étaient ma seule famille.
Je ne sais pas pourquoi je vous raconte tout cela, ceci ne vous intéresse surement pas; mais il est tellement aisé de parler de ma vie, tout est dit en quelques minutes. Le but de cette lettre est de vous faire comprendre à quel point j'ai envie, j'ai besoin de vous aider. Je vous laisse mes coordonnées, n'hésitez pas à les utiliser. Si vous ne me répondez pas, je le comprendrais parfaitement; je ne veux absolument pas m'imposer à vous, que vous ayez besoin d'aide ou non.
Sachez que jamais je n'ai ressenti de plus profonde douleur qu'à la vue de votre visage contrarié, et que je serais prêt à tout pour qu'il ne le soit plus jamais.
Dans l'espoir que vous ayez perçu la sincérité de ma main tendue,
M.S.