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Lettre 11

Le 27 juin 2015

                                                                                                                   Rose, ma source de vie et de joie,

 

                J'ai une nouvelle difficile à t'annoncer. Je n'ai pas réussi à t'en parler, lors de nos dernières rencontres, ne voulant pas interrompre ces moments magiques, mais l'échéance approche, et il me faut te l'annoncer. Vois-tu, lorsque nous ne nous parlions plus, le mois dernier, on m'a fait une offre. Il s'agit d'un opéra, dont j'ai composé l'ensemble des morceaux, il y a de cela quelques années déjà, et qui va être joué tout autours du monde par une équipe fantastique, des gens dotés d'un talent fou, que ce soient les chanteurs ou les musiciens. La compagnie à l'origine d'une telle entreprise a donc fait appel à moi, pour que je sois présent lors de ce tour du monde des représentations, et pour que je dirige certaines parties du spectacle. Il te faut me comprendre, j'étais complètement désespéré à l'époque, et je voyais ce voyage comme un moyen de m'évader, de t'oublier, de revivre. J'ai donc accepté, et me voila engagé pour tout le mois de Juillet.

                Je n'ose imaginer la douleur d'être séparé de toi. Maintenant que nous nous entendons si bien, que nous partageons des moments si doux, la simple idée de mon départ m'arrache le cœur. Comment puis-je survivre sans toi? Est-ce simplement possible? Cela doit l'être, j'ai vécu sans toi des années durant, pourtant je ne le crois pas. Ne plus te voir, ne plus te parler, ne plus être près de toi... Qui voudrait d'un monde si fade, si vide? Je vais devoir vivre un mois de solitude, un mois de malheur, un mois sans toi. Et si j'emploie le terme vivre, ce n'est pas sans un brin d'ironie amère. Mais quelle idée m'a pris, quand j'ai accepté ce contrat? Quelle folie m'a possédé? Je fus inconscient, et je le regrette maintenant plus que tout. 

                Mais cette séparation ne signifie pas forcément que nous cessions tout contact pendant un mois : en effet, tu pourras toujours m'appeler sur mon portable ( à défaut d'avoir obtenu ton numéro, j'ai réussi à te donner le mien ! ), et je pourrai toujours continuer à t'envoyer des lettres. J'appréhende grandement ce voyage. D'une part, à cause de la distance ainsi instaurée entre nous, mais aussi parce que j'ai peur des réactions que vont provoquer mon œuvre.  Je ne sais jamais si je vais plaire, ou si ma musique sera un désastre. Si seulement je pouvais tout annuler...

                J'avais pensé à te faire venir avec moi, mais après mûres réflexions, je pense que cela serait une mauvaise idée. Tu n'aurais certainement que faire de tout cela, et tu serais ennuyée au plus haut point. Je ne puis me permettre de t'infliger ceci. Alors je partirai, seul, ne pensant qu'à toi et à ta beauté, qu'à ta splendeur et à ta candeur, qui attendront certainement mon retours. Enfin, tu ne m'aimes pas, si cela est toujours d'actualité, donc ce que je dis peut ne pas être exact. Mais la béatitude que cette pensée m'apporte est suffisante pour chasser le doute. Que tu ne m'aimes ou pas, je reviendrai à toi, et nous serons de nouveau heureux ensembles.

                Il est fascinant de constater à quel point j'ai pu devenir dépendant de toi, de ta présence, de ton attention.  Quelques fois, quand j'y pense, je me dis que cela n'est pas normal, que cette situation me mets en danger plus qu'autre chose, et que je ne devrai t'aimer autant. Mais après tout, qu'y puis-je? Cet amour a beau provenir de moi, il est plus fort que moi. Je prie simplement pour que cette force soit celle de la création, de l'harmonie et de la paix, plutôt que celle du chaos et de la souffrance. Ce voyage sera un bon exercice pour moi, pour contrôler cet amour, pour diriger cette force vers des buts bénéfiques. Je ferai cette tournée motivé par l'envie d'être digne de toi, souhaitant créer ta fierté à mon retours. Rose, même loin de moi, tu seras le moteur de ma vie, et la seule chose qui me fera avancer dans cet univers.

                Pénétrant avec peine dans ce mois terrible, survivant grâce à ton souvenir,

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    M.S.

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