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Lettre 4

 

                               Le 2 avril 2015,

                                                                                                                                             Rose Finmelse,

 

                J'ai une grande nouvelle à t'annoncer : je viens juste d'écrire la note finale de mon morceau, ou plutôt, ton morceau, celui que tu m'as inspiré. Il s'agit d'un simple solo de violon, modeste par sa durée et arrogant par sa vivacité. Je vais envoyer la partition à un musicien, il en fera une interprétation qui, je l'espère, sera digne de toi ! Cela fait des semaines que je travaille nuits et jours, d'arrache pied, éternellement insatisfait par ce que j'écris, aspirant à la perfection. Ô, comme j'ai hâte de te le faire écouter ! Je suis persuadé  que tu l'aimeras. Je l'ai composé à ton image; tu me diras si tu te retrouves dans ces notes. Tu en as de la chance, tu sais; j'ai toujours rêvé que l'on me chante quelque chose, qu'on m'écrive quelques mots, qu'on m'immortalise dans cette beauté inaltérable qu'est la musique. Enfin, je ne perds pas espoir, un jour peut être que cela se produira.

                Je profite par ailleurs de cette lettre pour te fixer un nouveau rendez-vous, comme la semaine dernière, au parc Narcisse; avec un peu de chance, nous reverrons ce vieil homme qui nous avait fait jouer aux échecs sur une des tables de picnic. Je le revois encore, triomphant après nous avoir battu l'un après l'autre, juste avant que tu ne lui demande si cela le gênait que nous prenions notre revanche, ensembles contre lui. Je me souviens surtout, à vrai dire, de son visage rouge de honte et de colère, après que nous l'ayons battu sans perdre une seule pièce. "La chance des débutants, pouah", nous a-t-il alors lancé, alors que nous nous retenions de ne pas éclater de rire. C'est vrai que nous avons été impressionnants, à deux, d'une efficacité et d'une intelligence dignes des plus grands binômes ! Mais nous devrions peut-être éviter cette partie du parc, à l'avenir, je me crois bien incapable de ne pas exploser de rire si nous le rencontrions de nouveau !

                Je vais surement me répéter une nouvelle fois, mais j'adore vraiment passer du temps avec toi. Cela fait déjà quelques semaines que nous nous voyons chaque week-end au parc, quelques semaines qui, en ma mémoire, se résument à quelques week-end. A mieux y réfléchir, cela me semble même étrange : cela fait des années que je vis seul, sans ressentir le moindre besoin de m'adresser à quelqu'un, sans même ressentir la moindre envie de sortir dehors, des fois des semaines durant ! Mais aujourd'hui, tout est différent; ton existence est entrée dans le cercle très fermé des choses qui m'importent réellement. C'est amusant : ce changement en mon attitude a été si brutal que je suis capable de comparer mes deux états d'esprits, l'ancien étant encore frais dans ma mémoire, datant quasiment d'hier. Et, tentant d'être objectif comme je le peux, il me semble que ce changement soit une évolution. J'ai comme l'impression d'avoir ouvert les yeux sur le monde, un monde que je ne connaissait pas, ou plutôt ne souhaitais plus connaitre. Mon repli sur moi était surement une conséquence de la peur, une réponse au rejet social dont j'ai longtemps été victime, un abandon, en quelque sorte. Mais désormais, une chose est sûre : si l'on trouve dans le monde des êtres comme toi, le monde mérite que l'on se batte pour en faire parti.

                Si tu en as l'occasion, n'hésite pas à m'appeler ! Je ne peux toujours pas le faire; en effet, le numéro que tu m'as gribouillé sur un coin de papier l'autre jour est illisible, j'ai tenté de nombreuses combinaisons, entre les neuf, six et zéro, entre les deux, cinq, sept et un, mais rien ne me fait aboutir au son de ta voix. Celle-ci est, soit dit en passant bien plus belle que ton écriture ! Je prendrai soin ultérieurement de noter ton numéro sous ta dictée, et je pourrai enfin me passer de ces lettres qui, bien que je préfère de loin écrire à parler, mettent bien trop de temps de réponse dans nos discussions.

                Je vais désormais me lancer dans une œuvre bien plus conséquente, un concerto pour orchestre, je pense bien. L'inspiration que tu me fournis est sans limites ! J'ai encore du mal à me rendre compte de la chance que j'ai de t'avoir rencontré, une chance dont tu n'imagineras jamais les réelles limites, tant elles sont immenses.

                Je reprend donc mon travail, dans l'espoir fou que ce que j'écris puisse retranscrire ta magnificence,

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        M.S.

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