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Lettre ouverte à mes dix-huit ans

Un peu (beaucoup !) de retard pour cette lettre ouverte, que j'ai préféré peaufiner avec des idées fortes plutôt que finir à la va-vite; un texte qui restera fondateur de mon attitude, je pense. Enjoy :)

 

 

Pour moi, pour ceux qui en ont le temps, ceux qui en ont envie,

ceux qui en ont besoin et pour ceux qui veulent me comprendre.

 

                C'est fini la rigolade. Fini l'excuse de l'enfance face aux problèmes. Fini la vie qui n'est que le rêve de vivre. Fini l'attente, fini l'impuissance, fini la non existence. Fini, le sentiment d'être face à une porte fermée, fini, la peur de savoir ce qui est derrière, fini, de se cogner la tête contre la paroi. Fini aussi les gorges serrées, les regards au sol, les doutes dans mon esprit. Fini.

                Le Phoenix est mort, de ses cendres renaissent son idéal, toujours plus fort. Ses ailes ont touché le soleil, il s'est enflammé, dans une dernière larme de compassion. La compassion de voir le monde bruler lui aussi, bien plus lentement. La larme s'est évaporée, bientôt suivie par le reste. Rien ne survivra au soleil, c'est lui qui a créé le monde. Un être meurt ainsi qu'il nait, si ce n'est que dans l'autre sens. La vie n'est qu'un aller-retour; le but est d'aller au plus loin. Le retour vient par lui-même, il ne faut s'en inquiéter.

                Il aurait pourtant suffit d'une de ses plumes, d'une seule, pour écrire le paradis, fut-il écrit dans l'encre du sang. Dans l'encre de son sang. Dans le flot de son existence, dans la source de son symbole, dans le magma de sa vigueur. Sa souffrance aurait alors été la libération de l'humanité, un sacrifice de l'existence pour la défense de l'idéal. Son sang aurait coulé parmi les larmes de joie, ses pleurs auraient résonné parmi les éclats de rire, son cœur se serait tu parmi les tambours qui animent les danseurs. Le monde aurait été épargné. Mais personne ne daigna toucher la plume. Personne ne prit cette peine. Car rien ne justifiait d'en faire autant. Mais trêve de regards vers le passé; il ne faut pas, il ne faut plus.

                A l'heure de la renaissance, vient s'inviter l'ami douloureux portant comme nom souvenir. Il est le juge dans cette affaire, celui qui nous donne sur un plateau d'argent tout ce qui a été, tout ce qui fut bon comme tout ce qui fut mauvais, la Vérité donc. Il a les clefs de notre esprit, s'arroge notre jugement, nous ne pouvons ne pas l'écouter, ne pas le croire, ne pas le regarder. Mais tout compte fait, il ne blesse pas. Il est simplement là, toujours présent, toujours pesant, quelquefois nostalgique, mais jamais blessant. Non, il s'agit de son ami qui apporte la blessure, son ombre, son alter ego, l'équilibre dans la balance : le regret. Le regret est un ennemi, une pourriture, une mâchoire aiguisée se refermant autours de notre cou. Il est là pour nous faire nous retourner sur notre passé, pour nous faire reculer, pour nous empêcher de renaître. Le confondre avec le souvenir, chose aisée, est une erreur fatale. Il faut les séparer, les identifier, les différencier. Ainsi, nous ne garderons que le souvenir. Et nous pourrons renaitre.   

                Le Phoenix ouvrira les yeux, oh que oui, mais avant cela, il reste seul, immobile, flirtant avec la mort qu'il vient juste de quitter, pour comprendre. Comprendre pourquoi il renaît, c'est à dire comprendre pourquoi il était mort et pourquoi il sera vivant. Le premier sentiment qui l'a effleuré fut la haine, la haine de ce qui l'a tué, la haine de la souffrance, la haine de l'impuissance qui l'a frappé. S'il est mort, c'est qu'il y eut une erreur : on ne meurt pas par hasard. Alors la faute est rejetée sur le monde, sur tout ce qui existe, tout ce qui ne l'a pas sauvé en fait, car rien ne l'a sauvé de sa chute. Personne. Il est aisé de haïr l'inaction, elle ne peut se défendre. Alors cette haine, alimentée par le vide de raisons, se développe, envahit le Phoenix telle une vague d'écume, invincible et cruelle. Et celui-ci reconnait l'origine de sa perte, ce qui l'entraîna dans sa chute puis dans sa mort, un ennemi parmi d'autres qui était présent lors de sa déchéance. La flamme nouvelle brulant en lui écarte alors ce sentiment, tel un phare dissipant les ténèbres maléfiques. Ces ténèbres, qui ne peuvent être vaincues et resteront enfermées en son cœur, lourd fardeau enfant de sa renaissance.

                La haine une fois enchaînée, le Phoenix cherche toujours à comprendre sa mort, et il se retrouve face à la question existentielle de sa faute.  En effet : et s'il était lui-même à l'origine de son embrasement? Son idéal, qu'il chérit tant, serait-il voué à l'échec, apporterait-il chaos et fins, amènerait-il lui même à la chute? Une chose est sure : répéter le passé ne mènera qu'à une nouvelle mort. Il faut changer, s'améliorer, évoluer. Si le message qu'il souhaite prôner est flamme, il faut qu'il prenne soin de se préserver des brulures. Il se pose donc des question simples : que veut-il ? Etre heureux, ainsi que tous ceux qui le peuvent; qui est-il ? Un Phoenix, un être de vie et de puissance; sur quoi se reposera-t-il? Sur ses cendres, sur son pouvoir, sur ceux qui souhaitent l'aider; comment fera-t-il ? Ainsi que son âme le poussera, libre de toute entrave extérieure. Son regard sur son être rassuré, l'harmonie l'envahit et le calme se répercute dans ses membres. La flamme vacille alors : il est en train de faillir avant même d'avoir commencé ! Le fait d'être rassuré l'a endormis l'espace d'un moment, tel un poison délicieux. La puissance qu'il se connait s'est estompée entre deux battements de cœur, la flamme est devenue froide. Cette connaissance le terrifie; il est de nouveau face à l'un de ses ennemis, un des plus retords car l'un des plus attendrissants : la satisfaction. Il la rejette d'un battement d'aile, et se jure à lui-même : jamais je ne cesserai de lutter tant qu'il restera un travail à accomplir, tant que mon idéal ne sera qu'idée; à présent, repos rime avec contretemps fâcheux et renoncement avec jamais.

                L'ardeur du Phoenix atteint alors son comble, sa flamme brille plus que jamais, et ses ailes le propulsent au firmament. Sa grâce et son énergie font de lui un feu céleste, un éclat divin indétrônable. La nature elle-même plie face à lui, les vents se courbent, les animaux s'inclinent, les flots se tarissent. Le monde entiers en est transformé à sa racine, imprégné de cette puissance nouvelle, telle la lune cédant son royaume au soleil. Or, cela ne doit pas être, cela ne peut être : l'ordre établi ne peut plier en l'espace d'une seconde, l'univers ne peut être dompté par l'usage de la force. L'impétuosité du Phoenix est étouffée par le retours des choses : les vents le chassent, les animaux le huent, les flots l'attaquent. Quelle idiotie que son attitude, la précipitation est mère d'erreurs. L'unique point commun qui unit les êtres entre eux est la soif du pouvoir, car celle-ci est la traduction du choix de vivre. Alors le Phoenix redescend sur le sol, d'un geste d'humilité compris de tous, et son acte met fin à la répression dont il était l'objet. Il a fait preuve d'orgueil, et cela faillit le conduire à sa perte. Il avait en effet oublié une chose capitale, ce qu'il aurait du faire avant de partir, ce qui aurait du être les prémisses de son ascension; il n'avait pas ouvert ses yeux. Or, comment agir sur ce triste monde sans le voir, comment le changer sans le connaitre, comment le dominer sans le comprendre? Comment l'affronter sans le sentir, comment l'aimer sans l'admirer, comment le haïr sans l'accepter? A force de contempler sa propre existence, ses propres erreurs, il en est venu à oublier le principal, le réel, tout ce qui n'est pas fruit de son esprit, tout ce qu'il subit, de ce fait. Il ne doit plus se permettre d'être aveugle, cela reviendrait à perdre de vue ce qu'il attend de lui.

                Ses yeux parcourent alors l'horizon, avides de connaissance et de découvertes. Ce contact ne peut être que créateur de jugement, sinon il serait inutile. La profondeur de l'existence se reflète dans la profondeur de son regard, deux infinités face à face, deux contraires unis par leur confrontation. D'un côté le nouveau né, de l'autre l'éternel. L'ancienneté étant puissance, le Phoenix se doit de lutter  contre les sentiments qui le prennent, un mélange d'admiration et de rejet, se doit de ne pas perdre pied face à ce raz-de-marée qu'est le préétablit, de ne pas être subjugué par ce qui est beau par l'âge et non par le mérite. Il élève un mur de protection, une vitre de diamant, un rempart à sens unique : son action doit s'étendre sur le monde sans que le monde ne le détruise. Son regard devient serein : il peut dominer sans être dominé. Sans se reposer sur cette victoire, il continue son exploration porté d'un sentiment de sécurité quand, soudain, il est stoppé net par la beauté d'une rose, au sommet d'une colline. Il comprend alors que tout n'est pas destiné à sa perte, et que le monde offre parfois des cadeaux qu'il serait insensé de refuser. Il est pris d'une lueur d'espoir, lui faisant modifier sa tour d'ivoire, et adopte le concept de la confiance. Cette relation, qu'il offre à tous, est en fait un défi qu'il lance à son prochain, le défi d'être son allié. Et c'est ainsi qu'il trouve sa place, auprès de ceux qui ne le déçoivent pas.

                Plus rien ne peut arrêter le Phoenix désormais, du moins c'est ce qu'il croit. Sa présomption est aussitôt contrée par une vision venue de son futur, une vision salvatrice, ultime don de l'univers envers son salvateur. Il se voit lui-même amouraché de la rose, mourir à petits feux des lacérations létales qu'infligent ses épines. La même rose qui, le jour même, était son alliée la plus fervente, devient alors sa fin. L'incompréhension empoisonne le Phoenix, la trahison le torture d'un vive et soudaine douleur, qui provient du plus profond de son être. Alors la vision s'estompe, et il retrouve devant ses yeux la rose délicate. Mais cette rose, qui a pour destin de devenir le cauchemar du Phoenix, n'est à ce jour que son alliée la plus précieuse; elle et son futur elle sont deux personnes bien distinctes, une étant l'alliée, l'autre étant l'ennemi. La confiance est un trésor qui ne disparait pas avec l'amitié, devenant ainsi une faiblesse quand cette dernière vient à disparaitre, tel un collier qui, arboré fièrement, vient étouffer petit à petit son porteur. La barrière invisible du Phoenix, ouverte au monde de ses amis, vient donc être renforcée par une ultime maille invisible, protégeant  son cœur de toute agression, même provenant de l'intérieur.

                Il est fin prêt. Gardant à l'esprit ses ennemis, le Phoenix prend son envol majestueux vers son objectif incertain mais convoité. Enfin, le Phoenix ne se considère pas prêt; on n'est jamais prêt pour ce qui est imprévu, et l'imprévu ne peut être évité. Ses acquis viennent être consolidés par la prudence, attitude qui sera la source de toutes ses victoires, la pierre angulaire de l'édifice que sera son œuvre.

                 

 

Et ainsi le Phoenix atteint la cime, heureux parce qu'il le veut.

 

Pour ceux qui assistent à mon avènement.

 

Pour ceux qui souhaitent s'envoler eux aussi.

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