Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Lettre 5

    Le 18 avril 2015,

                                                                                                                                                                 Rose,

     

                   

                    Si tu lis ces lignes, et si tout se déroule comme je l'ai prévu, tu es donc au restaurant avec moi, il ne doit pas être loin de vingt deux heures, nous avons déjà fini de manger et je viens de te tendre cette lettre. Tu l'as pris avec étonnement, me demandant ce qu'il y avait dedans, et je t'ai répondu que tu verrais bien, ce qui a surement du t'agacer et provoquer sur ton visage cette moue vexée, avec laquelle tu es si mignonne. Rien que pour pouvoir l'admirer plus longtemps, je serai même prêt à repousser l'objet de ce message des heures durant ! Mais rassure toi, je ne le ferai pas, ce que j'ai à t'annoncer est bien trop important.

                    Si tu le veux bien, je t'invite à tendre l'oreille vers ce violoniste, qui joue au fond de la salle, une rose agrafée à sa veste. Il s'agit d'un ami virtuose, rencontré il y a bien longtemps, à qui j'ai demandé de venir ce soir nous jouer ce morceau. Tu l'auras surement deviné, il s'agit du morceau que je t'ai composé, ce morceau que tu m'as inspiré, ce morceau à qui nous avons donné naissance. J'espère du plus profond de mon cœur que tu l'apprécies, cette musique est toute à toi, elle est même toi en mon esprit. Que cette mélodie accompagne la suite de ma lettre, aidant par le son le sens de mes mots.

                    Le fait est que tu ne quittes plus mes pensées. Quand mon regard ne se pose plus sur toi, j'ai ton image qui se grave sur mes paupières; quand je n'entend plus le son de ta voix, je me rappelle de tes rires; quand tu n'es plus avec moi, je cesse momentanément de vivre jusqu'à ton retour. Si seulement tu pouvais te voir telle que je te vois : ta peau est iridescente de chaleur et de vie, tes cheveux semblent être la plus douce des matières, ta voix est la plus pure des musiques, ton parfum le plus enivrant des provocateurs, et ton regard... Regarde par la fenêtre, observe le ciel, là-haut brillent les étoiles, dans les ténèbres infinies : tes yeux sont plus profonds encore que cela, plus poétiques, plus mystérieux, plus captivants; en un mot : ils sont magnifiques. Je sais que je pourrais me perdre à jamais dans tes yeux, me noyer dans le bonheur qu'ils m'apportent. A ces phrases, tu dois être en train de te dire que j'exagère, que je ne pense pas ce que je dis, que tu n'es pas la perfection que je décris. Alors, tu trouves cela ridicule, tu me dis que je suis un crétin... Mais oui, tel est bien le cas; je suis un crétin.

                    Un crétin amoureux de toi.

                    Je ne sais pas si tu t'en doutais, je ne sais pas ce que tu ressens en retours, mais une chose est certaine : je ne pouvais garder cela pour moi plus longtemps. Cet amour... c'est une force incroyable, inimaginable, je n'ai jamais ressenti pareille vigueur en mon âme et mon corps. Je me sens poussé vers toi, lié à ton existence, comme le soleil est lié à la lune, comme l'oiseau est lié au ciel, comme la fleur est liée à la terre; inexorablement poussé vers toi, par des raisons qui m'échappent, par des sentiments qui me traversent, par un amour qui réduit tout le reste de l'univers à néant. Il me semble désormais que vivre soit synonyme d'aimer. Je ne comprend plus rien, ma raison a fléchi devant mes passions, et j'ai l'impression d'être aveugle aux motifs de mes actes. Mais une chose est certaine : je me dirige vers le bien.

                    Mon bien, tu l'auras compris, mais aussi et surtout le tiens. Bien sûr, je souhaite passer du temps avec toi, mais c'est pour te rendre heureuse; bien sûr je veux partager ma vie avec toi, mais c'est pour te protéger; bien sûr, je rêve de tout partager avec toi, mais c'est pour alléger ta vie de ses fardeaux et y apporter le bonheur. J'ai conscience, en écrivant ces mots, de m'abandonner entièrement à toi, de t'offrir tout ce qui peut te faire plaisir, de devenir l'incarnation de ta joie sur Terre. A ma première lettre, je t'offrais une main ouverte; aujourd'hui, c'est mon cœur et mon corps tout entier qui sont à toi; il ne tient qu'à toi de l'accepter. J'ai aussi conscience que, désormais, tout retour en arrière est impossible, et notre destin scellé par ce que tu vas me répondre.

                    Et alors tu vas relever ta tête, mon bonheur sur tes lèvres où mon malheur coulant de tes yeux. Tes yeux...

                                                                                                                       M.S.

  • De l'origine de la haine

    Que dire de ce qui s'est passé vendredi soir? Des être humains ont mis fin à d'autres vies humaines, pour défendre une cause qu'ils croient juste et faire s'effondrer un pays qu'ils croient mauvais. Ces êtres humains se sont réunis, se sont entraînés, se sont préparés et décidés à user de la violence pour créer la peur, et cela dans le seul but d'exprimer un message, de montrer l'existence de leur groupe, et faire comprendre ce qui est en leur pouvoir. Il m'a semblé comprendre que leur groupe était religieux, et cela explique pour moi de grandes choses : d'une part, ce sont des être intelligent - il faut de l'intelligence pour tromper la surveillance acharnée d'un pays - des êtres suffisamment intelligents pour comprendre que leurs actes sont, non pas stupides, mais vides de sens, et hélas, ils ont Foi, non pas en un dieu pacifique comme le commun des êtres civilisés, mais un dieu (ce n'est pas le dieu de l'islam en lequel croient nos frères musulmans, bien qu'on lui fait porter le même nom), un dieu qui leur dicte de tuer; or ce ne sont pas les dieux qui font les lois de leur foi, ce sont les hommes. Tel n'importe quel acte insensé et dévastateur de l'histoire, dont le plus proche dans nos mémoire est surement l'extermination du peuple juif pendant la seconde guerre mondiale, ils diront avoir obéit, ne pas être responsable; ici, la faute revient à leur dieu. Je pose une base philosophique que je ne développerais pas ici, car il mériterait un livre entier à mon sens : une religion est le mécanisme inconscient d'une société pour réaliser ses fantasmes de vie meilleure. On comprend que la notion de vie meilleur prend ici toute son importance lors de sa définition. D'autre part, la foi leur a donné la force; "rien de grand ne s'est accompli dans le monde sans passion" disait Hegel, et je suis convaincu que la force qui fait se mouvoir un être humain, la vie en elle-même, est en relation avec nos sentiments; l'un crée l'autre, ou inversement, ou tout simplement les deux ne font qu'un. Or nous savons tous que nos sentiments ne sont pas tous bienveillants; c'est donc la haine qui anime ces hommes, ils ont la passion de la haine, la foi de la haine, la force de la haine.

                    Ce sentiment ne devrait pas exister, mais tel est le cas. Devrais-je vous conseiller de ne pas la ressentir, et votre crédulité vous étouffera peu à peu jusqu'à votre perte. J'appelle haine l'action de détruire, et ne pas chercher à détruire ce qui nous détruit nous condamne à être détruit. Se protéger, comme le fait la France depuis des années, n'est que minimiser le problème; la probabilité et la malchance, qui permettent à la haine d'effectuer son action, nous l'ont amèrement rappelé. Je vois un futur où la France se bat contre ses attaquants, et, bien qu'une réflexion poussée me laisse dubitatif quand à la phrase que je vais prononcer, j'espère qu'elle va gagner. Car je suis dans un camps, bien malgré moi, et mes sentiments me poussent à la victoire, instinctivement. Ainsi, la haine use des êtres qu'elle a en son pouvoir pour en convertir d'autres, chaine qui ne se brisera jamais. Voyez-vous ces troupes françaises, débarquant dans le pays de ceux qui l'ont blessé, avec ses armes pointées vers les responsables? Vous appelez ça justice, victimes que vous êtes, ils appellent ça violence, les témoins sans rapports qui verront ces troupes agir, témoins qui grandiront dans l'idéal tout a fait légitime de vaincre ces oppresseurs capables de les détruire. Et oui, l'homme est capable de tuer son prochain, c'est une raison suffisante pour s'en débarrasser. Moi, poète, j'appelle ça une tragédie humaine. Comment voulez-vous vaincre le mal, vous qui vous entretuez entre victimes? Un homme dangereux répand à sa mort les graines d'autres hommes dangereux, c'est le pouvoir des êtres humains. Tuer cet homme revient à enfanter la haine; maintenant, sauvez cet homme, venez l'aider à résoudre le problème primordial qui a créé sa haine, et là seulement vous tuerez la haine. L'homme à une main plus adéquate pour tenir celle d'un autre homme que pour donner une gifle, rappelez-vous en. Mon rêve n'est entaché que par une catégorie de personnes; les avides. Ce sont eux qui tirent les ficelles : ils ont une vie acceptable, ils souhaitent la rendre meilleure, au dépend de celle des autres. Ces être viennent court-circuiter mon fantasme d'Humanité, plus rien ne peut être possible.

                    Homme avide, voit ce que tu fais de tes frères, et part, je t'en conjure.  

  • Deal puéril

    Une chape de plomb pèse sur nos épaules

    Maintenant nous savons ce qu'est la vraie douleur.

    La tristesse nous tue, et la folie nous frôle,

    Mais quand sera rendu notre mammouth Timber?

     

    Vous nous l'avez volé sans le moindre remord

    L'acte fut perfide, causa un très grand tort,

    Et, bien qu'esseulés par sa disparition,

    Nous serons placides face aux provocations.

     

    Vous nous aviez laissé, pour payer votre prix,

    Jusqu'à demain mardi; nous sommes désolés

    De devoir reculer, car le temps nous a fuit.

     

    Notre proposition est, si vous l'acceptez,

    De venir l'échanger contre tous vos bonbons

    Cela, sans discussions, à l'horaire indiqué.

  • Lettre 4

     

                                   Le 2 avril 2015,

                                                                                                                                                 Rose Finmelse,

     

                    J'ai une grande nouvelle à t'annoncer : je viens juste d'écrire la note finale de mon morceau, ou plutôt, ton morceau, celui que tu m'as inspiré. Il s'agit d'un simple solo de violon, modeste par sa durée et arrogant par sa vivacité. Je vais envoyer la partition à un musicien, il en fera une interprétation qui, je l'espère, sera digne de toi ! Cela fait des semaines que je travaille nuits et jours, d'arrache pied, éternellement insatisfait par ce que j'écris, aspirant à la perfection. Ô, comme j'ai hâte de te le faire écouter ! Je suis persuadé  que tu l'aimeras. Je l'ai composé à ton image; tu me diras si tu te retrouves dans ces notes. Tu en as de la chance, tu sais; j'ai toujours rêvé que l'on me chante quelque chose, qu'on m'écrive quelques mots, qu'on m'immortalise dans cette beauté inaltérable qu'est la musique. Enfin, je ne perds pas espoir, un jour peut être que cela se produira.

                    Je profite par ailleurs de cette lettre pour te fixer un nouveau rendez-vous, comme la semaine dernière, au parc Narcisse; avec un peu de chance, nous reverrons ce vieil homme qui nous avait fait jouer aux échecs sur une des tables de picnic. Je le revois encore, triomphant après nous avoir battu l'un après l'autre, juste avant que tu ne lui demande si cela le gênait que nous prenions notre revanche, ensembles contre lui. Je me souviens surtout, à vrai dire, de son visage rouge de honte et de colère, après que nous l'ayons battu sans perdre une seule pièce. "La chance des débutants, pouah", nous a-t-il alors lancé, alors que nous nous retenions de ne pas éclater de rire. C'est vrai que nous avons été impressionnants, à deux, d'une efficacité et d'une intelligence dignes des plus grands binômes ! Mais nous devrions peut-être éviter cette partie du parc, à l'avenir, je me crois bien incapable de ne pas exploser de rire si nous le rencontrions de nouveau !

                    Je vais surement me répéter une nouvelle fois, mais j'adore vraiment passer du temps avec toi. Cela fait déjà quelques semaines que nous nous voyons chaque week-end au parc, quelques semaines qui, en ma mémoire, se résument à quelques week-end. A mieux y réfléchir, cela me semble même étrange : cela fait des années que je vis seul, sans ressentir le moindre besoin de m'adresser à quelqu'un, sans même ressentir la moindre envie de sortir dehors, des fois des semaines durant ! Mais aujourd'hui, tout est différent; ton existence est entrée dans le cercle très fermé des choses qui m'importent réellement. C'est amusant : ce changement en mon attitude a été si brutal que je suis capable de comparer mes deux états d'esprits, l'ancien étant encore frais dans ma mémoire, datant quasiment d'hier. Et, tentant d'être objectif comme je le peux, il me semble que ce changement soit une évolution. J'ai comme l'impression d'avoir ouvert les yeux sur le monde, un monde que je ne connaissait pas, ou plutôt ne souhaitais plus connaitre. Mon repli sur moi était surement une conséquence de la peur, une réponse au rejet social dont j'ai longtemps été victime, un abandon, en quelque sorte. Mais désormais, une chose est sûre : si l'on trouve dans le monde des êtres comme toi, le monde mérite que l'on se batte pour en faire parti.

                    Si tu en as l'occasion, n'hésite pas à m'appeler ! Je ne peux toujours pas le faire; en effet, le numéro que tu m'as gribouillé sur un coin de papier l'autre jour est illisible, j'ai tenté de nombreuses combinaisons, entre les neuf, six et zéro, entre les deux, cinq, sept et un, mais rien ne me fait aboutir au son de ta voix. Celle-ci est, soit dit en passant bien plus belle que ton écriture ! Je prendrai soin ultérieurement de noter ton numéro sous ta dictée, et je pourrai enfin me passer de ces lettres qui, bien que je préfère de loin écrire à parler, mettent bien trop de temps de réponse dans nos discussions.

                    Je vais désormais me lancer dans une œuvre bien plus conséquente, un concerto pour orchestre, je pense bien. L'inspiration que tu me fournis est sans limites ! J'ai encore du mal à me rendre compte de la chance que j'ai de t'avoir rencontré, une chance dont tu n'imagineras jamais les réelles limites, tant elles sont immenses.

                    Je reprend donc mon travail, dans l'espoir fou que ce que j'écris puisse retranscrire ta magnificence,

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            M.S.